L'‘ORIENT-LE JOUR

Revoir Caracalla

Il est passé à jamais dans nos mémoires dans le tourbillon éblouissant des “Tentes Noires”. En ramassant comme des précieuses reliques tout ce que le terroir avait de beau, il a donné à la verve, la vigueur populaire des lettres de noblesse.

Partant des positions chorégraphies de base, il a accédé un langage contemporain pour faire découvrir au monde, et à nous mêmes, ce patrimoine inespéré. Folklore perdu et retrouvé, fidélité, complices maniés d’une main de maître sans que la nostalgie sucrée ne tourne au sirop.

Revoir, donc, Caracalla n’était pas sans péril…

Autres lieux, autres temps, autres soifs… Allait-il trouver le fil entre hier et aujourd’hui, le passé dévoré et le présent aveugle?

À un moment où tant de choses basculent, nos cœurs sauraient-ils ne pas avoir peur du souvenir?

L’épreuve a été bien plus que concluante… Les Echos ravivent la mosaïque affective comme l’odeur du pain, le besoin du repas familial.

Dans un village d’autrefois la vie a le visage familier et les gestes proches. Des jeunes qui se poursuivent, le cœur des voisines, l’éternelle confrontation d’oppressé et d’oppresseur. La révolte gronde, la vengeance éclate…

Le second acte relate la quête de soi d’un adolescent rêveur, prétexte à un spectacle où figures, évolutions, mouvements et costumes se fondent dans une belle unité.

Ayant troqué l’ivresse des danses de la Békaa contre une recherche “occidentalisée”, une esthétique plus linéaire, Caracalla peut déconcerter dans la première partie. Ses héros dans des tableaux sévères se dressent puis tombent, se relèvent, reprennent leur course, pour “dire” avec leurs corps les sentiments qui les animent.

A l’exubérance, l’impétuosité, la générosité, visuelle de ces célèbres mouvements d’ensemble, il oppose la rigueur et la réflexion d’une nouvelle conception chorégraphique.

Puis, voilà qu’avec le mirage Bédouin, Caracalla retrouve les vieilles réminiscences. La salle enivrée, chauffée à blanc, redécouvre le soleil d’un talent ample, tonique, débordant de fraternité.

Les retrouvailles deviennent dignes de la fête au village: chaleureuse, spontanées, émouvantes…

Quand Caracalla, en effet, taille à vif sans fignoler “à la manière d’ailleurs” il établit avec son public un contact qui électrise. Il rassemble, il rassure, il réveille la nostalgie qui couve dans chaque fauteuil pour ces temps où cette terre était la mère pour tous…

Claire Gebeyli