L’ORIENT-LE JOUR

En Tunisie, Caracalla et ses danseurs ont eu la part belle

Le Festival de Carthage, le Festival de Hammamet, Bizarte, Kairouan et Kelibia… Encore cinq nouveaux hauts lieux des arts qui ont été conquis par la troupe de Abdel Halim Caracalla qui y a présenté “l’Étrangeté des Miracles et les Miracles de l’Étrangeté”. À l’actif donc des danseurs libanais, cinq triomphes qui viennent s’ajouter à des succès remportés cet été meme en Irak et au Kowait. Sans compter les points déjà marqués au Japon, en Union Soviétique et en Iran.

Les deux soirées donnés dans le cadre du 12e Festival de Carthage avait attiré plus de 10.000 personnes. A Hammamet, 6.000 spectateurs ont applaudi “’Étrangeté des Miracles et Miracles de l’Étrangeté”. Alors qu’à chacune des représentations données à Bizerte et Kelibia on a dénombré 3.000 personnes.

Partout, le public a crié à la révélation en voyant cette magnifique création chorégraphique libanaise. La presse de même, comme en témoignent les articles parus dans '“L’action”, “La Presse”, “Le Temps” et “Al Sabah” et rapportés par Abdel Halim Caracalla. Également dans ses bagages, les impressions enregistrées de Bernard Teyssedre (écrivain, critique d’art au “Nouvel Observateur” et professeur à la Sorbonne), de Hassan el Acrout, président général des comités culturels nationaux et directeur du Festival de Carthage, et de Taher Guiga, président du Centre Culturel de Hammamet.

Bernard Teyssedre se demande “s’il faut appeler l’ensemble Caracalla une troupe de danse car il me semble que c’est à la fois cela et autre chose. L’intéressant dans ce travail c’est la prodigieuse vitalité qui s’y dégage. Le spectacle est extrêmement animé, sans un moment de relâchement. Le rythme est très rapide mais il y a aussi ce fil conducteur, cette continuité du récit qui en fait quelque chose d’un peu comparable à nos opéras bouffes français ou européens des 17e et 18e siècles. Je trouve que le spectacle “L’’Étrangeté des Miracles et les Miracles de l’Étrangeté” est une sorte de parabole comme le serait la “Flûte Enchantée de Mozart”. La qualité incontestable de ce spectacle impressionne de même que sa grande sincérité, sa spontanéité et sa vitalité. C’est un spectacle qui est, au meilleur sens du mot, populaire. De plus, au lieu d’être présenté comme une anthologie, il est relié par une idée et cette unité lui donne un sens assez grave. A savoir la possibilité pour un homme de se perdre et de se retrouver. Il y a aussi la présence de cet Orient particulièrement libanais”. M. Hassan el Acrout dit qu’il a été agréablement surpris par la démarche entreprise par la troupe Caracalla. Ces efforts de recherche lui ont permis de sortir des sentiers battus et de créer un spectacle total qui tout en n’étant pas folklorique au sens propre du terme n’en conserve pas moins toute son authenticité”.

M. Taher Guiga parle, lui, d’une révolution de la danse du ventre que Caracalla sublime souvent dans sa chorégraphie. A noter que cette année, le Festival de Hammamet (auquel avaient participé une vingtaine de troupes) avait pris un nouveau virage: on y avait introduit les arts plastiques, le cinéma et la poésie populaire. C’est ainsi que les festivaliers ont notamment découvert avec ravissement le célèbre poète Al Abnoudi, originaire de Haute-Egypte. Il était accompagné de trois autres poètes qui n’avaient jamais quitté leurs village. Ceux-ci avaient profité de leur voyage en Tunisie pour visiter Le Caire.

En participant à ces manifestations tunisiennes de grande envergure et toujours en quête de dimensions nouvelles, Abdel Halim Caracalla, la grand de la danse libanaise, et sa troupe se sont taillé la part du lion.

Irène Mosalli
01 Septembre 1975